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24 novembre 2020: Elle, un roman préhistorique, va et vient incessant entre Elle et la narratrice.

De la rencontre aux confidences, une amitié se noue entre deux femmes que seule l'imagination a pu faire se rencontrer. 

 Brassempouy et sa grotte du Pape, Ustaritz... un voyage au temps du Gravettien (moins 30000...) en suivant les traces d'une artiste, celle qui dans mon esprit, aurait créé la sublime Dame à la Capuche.

Les aquarelles sont encore et toujours de mon amie Michèle Wauquier que je ne remercierai jamais assez. 

Couverture ELLE.png
4ème Couv ELLE.png
femme gravettien
rhombe.jpg
préhistoire; mammouth; silex; Brassempouy
collier; paleolithique; Brassempouy

Extraits

Nous sommes de très nombreuses femmes dans le campement. De très jeunes femelles, d’autres venant d’avoir leur premier petit comme moi, d’autres encore en ayant plusieurs, des femmes aux cheveux blancs.

Nous y sommes aussi nécessaires que les mâles. Ils ont bien plus de force que nous, mais cela n’a pas d’importance. Lorsque les chasseurs abattent un grand nombre de rennes, nous nous trouvons à leurs côtés. Parfois pour contribuer à rabattre le troupeau, mais surtout en les aidant à ramener le corps des bêtes dans la grotte. Les bras de tous sont essentiels. Nous nous occupons aussi d’attraper les poissons ou le petit gibier, celui que nous trouvons près de notre habitat. Nous taillons des silex, nous préparons les peaux, nous entretenons les foyers. 

Mais il n’est pas question de nous éloigner. Nos enfants sont là. Lorsqu’ils sont très jeunes, nous les allaitons. Ils marchent déjà, nous les nourrissons toujours de notre lait. Ils commencent à parler, ils ne connaissent pas encore le goût de la viande. 

Accrochés à notre dos, agrippés à nos jambes, ils sont continuellement proches de nous. 

Pour nos petits, nous sommes irremplaçables. Les mâles n’ont pas le temps de veiller sur eux. Ils le font en nous procurant de la nourriture, des peaux. Ils assurent notre survie.

Femme si lointaine et si proche, je te retrouve. 30 000 ans nous séparent. Un rien dans notre histoire. 

J’ai tout de suite perçu en arrivant que tu acceptes de nouveau ma présence. Un je ne sais quoi, une onde hésitante puis une résurgence qui renaît. Tu m’as permis jusqu’à présent de t’accompagner dans ta jeunesse, je t’ai vue mettre au monde ton premier enfant. Des présages de confiance, ai-je pensé. 

Tu lèves les yeux vers moi et me fais un signe de la main. Je ne comprends tout d’abord pas. Est-ce simplement un salut ? Veux-tu que je reste encore éloignée, à juste distance ? Que je me contente de te suivre dans tes pensées ? 

J’attends accolée à la paroi de l’entrée, ta main s’élève de nouveau, s’agite en un battement d’aile de papillon. 

Je ne connais pas la gestuelle de ton passé. Aviez-vous ces signes d’invite ? Je ne voudrais pas mal interpréter le tien et me voir fraichement reléguée au rang de spectatrice contestée. 

Le plus ancien des anciens parmi les chasseurs n’a pas ouvert les yeux lorsque notre groupement s’est rassemblé autour des foyers.

Il est resté étendu dans la grotte. Son visage si enjoué s’est immobilisé. 

Il n’a pas levé la tête comme il le fait d’habitude vers l’entrée de notre habitat, saluant d’un air amical l’arrivée de la clarté du jour. Il n’a pas souri aux jeunes à qui il raconte ses chasses. Ses mains sont restées enfouies sous les peux de renne, comme si leur tiédeur avait encore besoin de les réchauffer. Ses pieds qui ont parcouru tant de pistes sont demeurés immobiles. 

Il a rejoint les esprits.

Ils sont venus le chercher alors que tout était silencieux, que seule la rumeur du ruisseau accompagnait le vent berçant les branches. Au moment où dans notre sommeil nos rêves nous emportent vers des contrées où abondent les rennes, où les femelles sont parées d’une multitude de perles à l’éclat de lune.

Nous l’avons attendu avant de partager des morceaux de viande. La plus belle pièce lui était toujours réservée. 

Ne le voyant pas nous rejoindre, une ancienne s’est rapprochée de sa couche. Elle a aussitôt compris. Elle sait, pour en avoir vu d’innombrables, ce que veut dire un corps qui ne se soulève plus. 

Sans un cri, sans un geste, à pas plus lents et chancelants que d’ordinaire, elle s’est avancée vers le plus agile de nos chasseurs, celui qui arbore tant de dents gravées sur sa parure. Après quelques mots chuchotés, il l’a suivie. 

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